La science du Hadith chez les Chiites Imamites : L’intérêt de l’Isnad chez les Chiites (6/15)

5) L’intérêt de la chaîne de transmission chez les Chiites Imamites

Comme nous avons pu le mentionner dans le chapitre précédent, la science du Hadith chez les Chiites Imamites ne fut introduite que par réaction aux critiques des Sunnites vis-à-vis de l’inexistence de la moindre méthodologie pour filtrer les récits. Quand on lit que le savantissime al-Majlissî déclare qu’il ne cite les chaines de transmission que pour imiter les anciens (dans cette pratique) et en tirer la bénédiction… L’on reste perplexe, et cela d’autant plus qu’on le voit dans le même temps faire le Tahqiq1 de l’ouvrage al-Kâfî2 ! Il déclare sans ambages  :

فكما أنّا لا نحتاج إلى سند لهذه الأُصول الأربعة، وإذا أوردنا سنداً فليس إلّا للتيمّن والتبرّك والاقتداء بسنّة السلف
« Comme nous n’avons nul besoin de nous baser sur les chaines de transmission [des récits] dans les quatres ouvrages de référence (al-Kâfî, Man la Yahduruhu al-Faqîh, al-Istibsâr et al-Tahdhîb), et si nous mentionnons ces chaînes de transmission, ce n’est que pour tirer une bénédiction, une bonne augure et suivre la sunnah (pratique) des anciens (à citer les chaines de transmission).3« 

Al-Hurr al-‘Âmilî, élève d’al-Majlissî, confirme les propos de son Maître et écrit :

والفائدة في ذكره مجرد التبرك باتصال سلسلة المخاطبة اللسانيّة ، ودفع تعيير العامة الشيعة بأن أحاديثهم غير معنعنة ، بل منقولة من أصول قدمائهم
« L’intérêt de la citer (la chaine de transmission) ne réside que dans le Tabaruk (la recherche de bénédiction) de la continuité de la chaîne de la conversation orale, et de réfuter les critiques et les railleries des Sunnites envers les Chiites qui disent que leurs Hadiths sont dépourvus de chaînes de transmission, alors qu’ils sont plutôt rapportés des Ussuls (fondements) de leur ancêtres4. »

Le grand Ayatollah al-Khô’î rapporte également les propos de son Cheikh, le grand Ayatollah Na’înî, à propos des chaînes des Hadith de l’ouvrage al-Kâfî :

وقد ذكر غير واحد من الاعلام أن روايات الكافي كلها صحيحة ولا مجال لرمي شئ منها بضعف سندها وسمعت شيخنا الأستاذ الشيخ محمد حسين النائيني قدس سره في مجلس بحثه يقول إن المناقشة في إسناد روايات الكافي حرفة العاجز
« Plus d’un savant a attesté de l’authenticité de toutes les narrations dans al-Kâfî, et il n’y a pas de place pour rejeter le moindre récit contenu dans ce livre en raison d’une faiblesse de sa chaîne de transmission. Et J’ai entendu mon maitre, le professeur, le Cheikh Muhammad Hussain al-Na’înî (qas) dire lors d’une assise : « En vérité, discuter les chaînes de transmission des narrations d’al-Kâfî est le métier de l’incompétent5. »

Al-Cha’rânî, dans son introduction de l’ouvrage d’al-Mazandarânî, affirme que la plupart des Hadiths dans Ussûl al-Kâfî (les deux premiers tomes qui traitent des fondements de la doctrine Imamite : l’Imamat, l’infaillibilité, le Mahdi…) sont faibles du point de vue de leur chaîne, mais étant donné qu’ils sont en accord avec la doctrine Imamite alors il faut les prendre tels quels sans même regarder leurs chaînes. Il écrit :

أكثر أحاديث الأصول في الكافي غير صحيحة الإسناد ومع ذلك أورده الكليني – رحمه الله – معتمدا عليها لاعتبار متونها وموافقتها للعقائد الحقة ولا ينظر في مثلها إلى الإسناد .

« La plupart des Hadiths dans Ussûl al-Kâfî ne sont pas authentiques du point de vue de leurs chaînes, et malgré cela, al-Kulaynî (ra) les a rapportés en se basant sur celles-ci, par considération pour leurs Matns (le texte du Hadith) et pour leur accord avec les croyances véridiques, et on ne regarde pas, pour ce genre [de transmission], la chaîne des rapporteurs [des récits contenus dans leurs ouvrages]6. »

Ce qui se traduit par la logique suivante : Les Chiites Imamites croient d’abord aux 12 Imams puis ils authentifient les récits suivant ce postulat (cette croyance). Ils croient d’abord que Aichâ a trompé le Prophète  puis ils authentifient les récits en accord avec cette « vérité ». Ils croient d’abord que Omar a violenté Fatima et causé la mort de son enfant puis ils authentifient les récits qui corroborent ce mythe qui est pourtant l’un des piliers de leur dogme… d’où, entre autres, l’aversion qu’ils ont pour Omar . Tout cela sans se soucier des chaînes de transmission puisque ces récits sont en accord avec leurs croyances, inventées et prédéfinies par leurs prédécesseurs. C’est le principe de poser d’abord un postulat, puis ensuite d’inventer les « preuves » et « arguments » qui le corroborent.
  1. Le Tahqiq, translittération du terme arabe, c’est le traitement qui consiste à analyser, indiquer la source et statuer sur le degré d’authenticité d’un récit (ou des récits mentionnés dans un ouvrage).
  2. L’ouvrage dans lequel il effectue le Tahqiq, et où il commente les récits d’al-Kâfî, s’intitule Mir’ât al-‘Uqûl (que l’on pourrait traduire par « Le miroir des esprits »).
  3. Al-Arba’ûn Hadith d’al-Majlissî page 510, al-Rassâ’il al-Rijâliya de Abû al-Ma’âli al-Kalbâsî, Vol. 4 page 388
  4. Wassâ’il al Chi’a d’al-Hurr al-‘Amilî vol.30 page 258
  5. Mu’jam Rijâl al-Hadith, d’al-Khô’î vol.1 page 81
  6. Charh Ussûl al-Kâfî de Mawlâ Muhammed Salih al-Mâzandarânî, Vol.1 page 10

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